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CAUSERIL Episode #3

PROVERBES...

Dans son dictionnaire étymologique, historique et anecdotique des proverbes et des locutions proverbiales de la langue française, Pierre-Marie Quitard, parlant de l’oisiveté, dit: “Il y a des gens qui prétendent excuser l’oisiveté en disant : Quel mal peut-on faire lorsqu’on ne fait rien ? On leur répond par un mot de Caton l’Ancien, consigné dans ce vieux peu verbe : En rien faisant on apprend à mal faire.”

Tout récemment, j’ai exhumé mon talent pour le dessin. Je n’avais plus dessiné depuis plus d’une décennie, et mon aptitude pour le dessin ne s’en est pas sortie indemne. Le temps l’a atrophiée, détériorée, désagrégée. Résorption d’un don inexploité.

Je pensais que seul l’expérience s’acquérait, mais force est de croire que l’inexpérience aussi s’acquiert. En rien dessinant j’avais appris à mal dessiner.
Naître et garder tout le long de la vie les bras croisés à ne rien faire n’est pas l’essence de la vie. On se rend vite compte que ne rien faire, c’est faire malgré tout, c’est faire à l’envers, c’est défaire, c’est apprendre à mal faire.

“L’homme oisif, dit Quitard, est à la disposition de tous les vices. L’homme laborieux, au contraire, n’a point à redouter leur pernicieuse influence ; ses occupations lui forment une sauve-garde.” Il conclut en citant : “Hésiode a dit admirablement : Dieu a posé le travail pour sentinelle de la vertu.”
Le travail est la forteresse de la vertu… la paresse l’engrais du vice…

Le roi David. La Bible dit que pendant la “saison où, d’habitude, les rois partent pour la guerre —, le roi David […], lui, était resté à Jérusalem.” Et un soir, après sa sieste, il alla se promener sur le toit. Et c’est là dans son désoeuvrement qu’il “aperçut une femme qui se baignait.” Bien évidemment, il abusa de son pouvoir. Et la femme qui se baignait, Bath-Shéba, “se trouva enceinte”. C’était la femme d’Urie le Hittite, l’un des officiers partis en guerre pour David.

Par un stratagème malicieux, David tenta de couvrir sa faute. Il “fit parvenir à Joab (le chef de son armée) l’ordre de lui envoyer Urie le Hittite.” Objectif: qu’Urie couche avec sa femme avant que la grossesse devienne impossible à dissimuler pour brouiller les pistes de la paternité. C’était d’une ingéniosité machiavélique!
Urie le Hittite n’était cependant pas un homme oisif et sans honneur. On l’avait sorti de la guerre mais la guerre n’était sorti de lui. David, inquiet de voir son plan échouer, dit à Urie: “Voyons, tu viens de faire un long voyage et tu n’es pas rentré chez toi. Pourquoi donc?” Urie, tel le noble soldat qu’il était, répondit: “Le coffre sacré est sous une tente. L’armée d’Israël et de Juda habitent sous des tentes. Le général Joab et tes officiers campent dans des champs. Moi, pendant ce temps, est-ce que je peux aller dans ma maison pour manger, boire et coucher avec ma femme ? Par ta vie, je le jure, je ne ferai jamais une chose pareille!” Mais quel homme! Quel homme!

David, de son côté, plongeait davantage dans les ténèbres.
Les versets quatorze et quinze du deuxième livre de Samuel chapitre onze, c’est ce que j’appelle le fond du gouffre. Tout a commencé par une promenade inoffensive sur un toit, mais nous voilà arrivé — que dis-je? nous voilà perdu sur l’oreiller du diable…
“14 Le matin suivant, David écrit une lettre à Joab et il la fait porter par Urie. 15 Dans cette lettre, il dit : « Place Urie juste devant les ennemis, là où le combat est le plus violent. Ensuite, retirez-vous et laissez-le seul. De cette façon, l’ennemi le frappera, et il mourra.”
Verset seize comme un épilogue: Joab fit “exprès de placer Urie à un endroit où il savait que les ennemis étaient les plus forts.” Les adversaires qui sortirent de la ville pour attaquer les Israélites, tuèrent des soldats et officiers de David, et Urie.
En n’allant pas en guerre, David apprit à devenir meurtrier.

Tragique, terrible dénouement: Urie mort, l’enfant de sa femme mort, David se repent dans le Psaume cinquante et un, épouse Bath-Shéba qui tomba encore enceinte et donna naissance à Salomon; ce dernier contribua à l’écriture des Proverbes bibliques, dans lesquels j’ai pioché la phrase finale de ce texte:
LE PRÉCIEUX TRAVAIL D’UN HOMME, C’EST L’ACTIVITÉ.